Le temps de parole du matin

Appelé aussi « le quoi d’neuf » ou « causette », le moment de parole du matin, limité dans le temps (30 min), n’a rien à voir avec un certain entretien du matin prévu par les instructions officielles, support de leçon de vocabulaire ou de morale ; je n’exige pas du « beau » parler, je ne reprends pas la façon dont un élève parle, je risquerais que le groupe ne parle plus. Les autres peuvent dire, en levant la main, s’ils ne comprennent pas.

L’école bannit le bavardage, qu’il s’agit là finalement d’utiliser pour arriver à des échanges plus précis.

 

Arrive donc pêle-mêle et selon l’époque, des menus faits quotidiens « hier j’ai joué … », des soucis familiaux « mon papa est parti en voyage… », des évènements « maman a eu un bébé… », des petits drames « mon chat a sauté par la fenêtre… », des informations « la piscine est fermée… » (au début, il ne se dit que le bienséant puis…) et petit à petit, on en arrive à l’actualité : la guerre, les élections, la pollution… Ce qui fait que bientôt j’abonne la classe au JDE (Journal des Enfants), journal hebdomadaire d’informations issues de la presse nationale et adaptées aux jeunes élèves.

« Aujourd’hui, Yassine a présenté le journal qu’on reçoit : dans le monde, il y a encore des esclaves. Quand on sera grand, on aura beaucoup de travail : on devra sauver la forêt équatoriale et en plus, on devra sauver les enfants esclaves. Il reste encore plein de misère dans le monde. » Lucas CE1


La pratique : quand un enfant vient parler, il attend le silence, se met face aux autres, les regarde car on communique aussi avec les yeux, parle à voix forte, il force sa timidité, protégé par ma présence discrète et vigilante car certains enfants peuvent se moquer et rigoler. La première Loi imposée par moi dès le premier jour de classe et affichée en gros sur le mur, c’est « Je ne me moque pas« . La Loi supposant l’interdit.

 

 

 

Le premier jour, je montre comment faire. Je demande « qui veut dire quelque chose à la classe ? », pour les enfants c’est très impressionnant et beaucoup sont silencieux. Mais dans un groupe il faut compter sur quelques « locomotives ». Un élève se décide et je montre comment on se met pour parler au groupe. Je me place derrière l’enfant qui va parler et je le guide : « tu dois voir tout le monde, avant de parler tu vérifies que tout le monde te regarde, tu le vois dans les yeux des enfants qu’ils t’écoutent, donc tu ne parles pas tout de suite. »

Les autres enfants apprennent à écouter, je leur montre comment faire, je leur dis : « vous tournez votre corps vers l’élève qui va parler, on peut tourner sa chaise, on le regarde dans les yeux, on installe un grand silence ». On ne peut pas démarrer ce moment de parole sans précautions, il ne faut pas avoir peur de perdre du temps au début, pour solenniser un peu le moment où un élève parle et installer des attitudes.

Cet apprentissage de l’écoute sera très utile pour toutes les autres communications entre les élèves. Les règles du « je présente » sont écrites et affichées, c’est une des premières Lois de la classe. Les autres moments de parole se feront plus facilement. J’explique ensuite que cela n’est pas obligatoire de venir parler le matin, et ceux qui veulent parler passent devant la classe chacun leur tour. Je me mets dans un coin discret, je veille à ce que l’enfant qui parle ne me regarde pas : les élèves cherchent toujours le regard de l’adulte, guettent son approbation, c’est une habitude difficile à lâcher ; l’enfant doit regarder les autres enfants, leur parler dans les yeux et ne pas chercher le regard de l’enseignant qui écoute aussi.

C’est un moment où se disent des « brèves ».

Cette activité est « libre ». Si certains enfants profitent de l’audience pour parler beaucoup, je propose : « tu l’écriras dans ton texte… » ( Le « je présente » du matin dure 30 min, c’est quelques minutes par élève.)

Ce moment de parole libre donne des pistes de travail. La présentation d’un travail créatif donne des idées aux autres et une activité peut être alors programmée dans les projets de la classe. Les présentations peuvent ainsi susciter une envie de bricolage ou le désir d’aller plus loin dans la curiosité.

Ce moment c’est aussi l’occasion, pour l’élève responsable du courrier, de présenter le journal d’une classe qui nous écrit. Ils en parlent dans leurs « histoires » publiées dans le journal de la classe.

 

L’entretien du matin est aussi pour moi un apprentissage constant : mieux connaître et aider mes élèves, être disponible, me décentrer. C’est un témoin de la vie et de l’évolution du groupe.

 

« Aujourd’hui, j’ai présenté que, chez moi, j’ai fabriqué un cahier et j’ai oublié de présenter que ma dent bouge ! » Julie

« Aujourd’hui, j’ai présenté que j’ai dessiné la tête d’un homme géométrique et je vais le coller dans mon grand cahier. » Claire

« Aujourd’hui Loweille a présenté des gâteaux pour la classe. Ce sont mes gâteaux préférés. Loweille est très gentille, même quand elle n’apporte rien ! » Loïck

 

 

 

 

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