La formation au métier de professeur est un enjeu essentiel pour une société plus juste, plus humaine… L’idée de ce site est d’être un outil de formation, toute formation se faisant toujours sur des pratiques, je présente mes classes Freinet ou classes coopératives de CP et de CE1. Les documents présentés (photos de classe, travaux d’élèves) ne sont pas des « modèles » mais des illustrations du climat dans la classe Freinet, de son environnement social et culturel.
LES PRINCIPES FONDATEURS DE LA PEDAGOGIE FREINET
« Le premier étonnement de Freinet a porté sur l’ennui des enfants à l’école, et il s’est dit quelque chose de très simple : s’ils s’ennuient, ils ne peuvent rien apprendre de bien. Quand un élève s’ennuie, il ne travaille pas, et s’il ne travaille pas à l’école, il faut le contraindre. S’en suivent tous les problèmes d’autorité, de discipline, de contrôle, de sanction, et par voie de conséquence, d’inégalités et d’échec scolaire. »
Freinet a alors essayé de comprendre pourquoi les élèves rechignent autant, et sa réponse a été très étonnante, et très nouvelle : ils ne s’ennuient pas parce qu’ils doivent travailler, c’est au contraire parce qu’ils ne travaillent pas qu’ils s’ennuient.
Il avait trouvé la solution entre le vice par excès (le travail forcé), et le vice par défaut (les pédagogies ludiques). Son mot d’ordre a été : il faut libérer le travail de la scolastique [...] La classe traditionnelle ne met pas les enfants au travail, elle leur impose des besognes scolastiques, en les privant des ressources créatrices de la vie et du désir.
(http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/1118)COMMENT UN ENFANT APPREND-IL ?
Les connaissances scolaires peuvent être acquises suivant le même processus naturel que celui qui permet à l’enfant d’apprendre à se tenir debout, à marcher, à parler. Ce processus naturel s’appuie sur le « torrent de vie » dit Freinet, c’est l’élan vital qui rend l’enfant curieux, c’est un chercheur, un expérimentateur.
Cette méthode suit la loi du tâtonnement expérimental : en tâtonnant l’enfant cherche sans cesse, consciemment ou inconsciemment, des réponses aux questions que lui pose la vie..Pour connaître, l’enfant procède par essais, analyse, hypothèses, vérifications, ce que Freinet appelle le tâtonnement expérimental.
Comment en classe ce tâtonnement expérimental se traduit-il ?
Par la méthode naturelle qui permet à l’enfant avec ses propres ressources et les outils et techniques installés en classe, de faire des essais qui sont vérifiés avec l’aide d’autres, cela implique des partenaires aidants dans la classe – le maître et les élèves - et l’encouragement au tâtonnement qui met la classe en position de recherche.
Par la libre expression de chacun encouragée par le maître où s’exprime le moi social et le moi affectif dans le milieu riche de la classe avec des plages de temps pour la communication (quand l’enfant s’ouvre et il s’en porte mieux ensuite).
Par l’écoute avec les techniques du texte libre, sa lecture aux autres, sa mise au point, sa diffusion, avec le quoi d’neuf du matin – moment de libre parole du matin -, avec la réunion hebdomadaire du Conseil.
Ces principes pédagogiques sont en adéquation avec les principes psychologiques naturels de l’enfant.POUR FAIRE EXISTER CES PRINCIPES
Le maître installe des dispositifs « instituant » en classe afin que les pratiques coopératives soient à l’œuvre, c’est une éducation au travail et par le travail, en coopération avec les autres, sans compétition ni rivalité, mais dans la jubilation du travail coopératif qui crée des liens de travail dans l’entraide et l’amitié. Pour que la coopération existe, la classe a une organisation particulière qui s’élabore au fur et à mesure des besoins et des recherches en cours et qui est « parlée » pendant la réunion du Conseil où les relations entre enfants sont régulées.
Les apprentissages sont personnalisés : l’individualisation du travail est organisée avec les outils d’organisation, la créativité et l’expression libre, font partie de la vie de la classe, chacun y cherche son chemin, l’ouverture aux autres se fait avec la diffusion du journal de la classe et la correspondance avec d’autres élèves dans une autre école prévue par le maître : « On n’est pas seuls ».
Ce ne sont pas les matières et les programmes qui sont au centre de la pédagogie Freinet, c’est l’enfant qui en est le centre.Concrètement cela donne ceci dans ma classe :
Dans la classe Freinet, Il n’y a pas de notes, ni de classements l‘évaluation se fait sous d’autres formes. Avec les notes et les classements, les élèves sont mis dos à dos sans espoir de fraternité et la mise en concurrence entre les élèves fait régner la violence des attitudes individualistes dans la classe : intérêt personnel, humiliations, injustice… La notation intoxique la classe et ne laisse aucun espoir de coopération et de solidarité.
Mes élèves travaillent en coopération : ils s’entraident. Grâce au plan de travail individuel et aux bilans de fin de journée, ceux qui sont en difficulté ne souffrent pas de discrimination mais se font aider par les plus rapides, ceux qui sont rapides ne s’ennuient pas car ils s’engagent dans des travaux plus complexes et dans l’entraide. Le rythme de chacun est respecté. Ce ne sont pas toujours les mêmes qui aident, il y a des domaines où chacun peut aider : un bon en math aide celui qui ne sait pas comment faire… celui-ci aidera à trouver un mot… celle-là à construire des rosaces avec le compas…
Mes élèves deviennent des communicants. L’ensemble des apprentissages, les travaux de recherche, les leçons courtes (15 min), viennent de ce que j’entends de mes élèves, de ce qu’ils racontent (l’entretien du matin), de ce qu’ils écrivent librement (le texte libre et l’écrit/lire), de ce qu’ils proposent dans les Conseils. Ils ont la PAROLE. Pour que le travail ait du sens, nous partons des questionnements des enfants, de leurs curiosités, de leurs dires, de leurs écrits et des échanges avec des élèves d’ailleurs (la correspondance).
Le Conseil hebdomadaire des élèves de la classe est l’institution centrale de la classe-coopérative.
Pour que la coopération entre enfants remplace la compétition, pour que le travail scolaire se fasse dans l’entraide, la classe se réunit toutes les semaines : c’est le Conseil hebdomadaire inscrit dans l’emploi du temps et qui donne un certain pouvoir aux enfants dans la classe : ils peuvent proposer des activités (clubs), des améliorations , des changements ; ils ont l’occasion de discuter de leurs relations avec les autres et avec l’enseignant.
Apprendre avec les autres, apprendre par les autres devient possible et c’est très agréable : le travail scolaire se fait dans la solidarité et l’échange, personne n’est oublié, les élèves n’en sont pas tous au même point et ne font pas tous la même chose en même temps, mais tous travaillent.
Ici pas de manuels scolaires niveau CP, mais des vrais livres.
- Une bibliothèque documentaire, classée et entretenue par deux élèves dont c’est la responsabilité, nous trouvons des informations dans les livrets intitulés Bibliothèque de Travail ou BT ou BTj (éditions PEMF ), ces petits livrets servent le plus souvent aux recherches sur les animaux, les pays, les planètes, le corps.
Dans la bibliothèque documentaire, nous avons 2 ou 3 exemplaires de manuels scolaires de 6ème, 5ème, 4ème, 3ème de collège, ils nous donnent de l’information en Sciences, en Histoire et en Géographie.
- Une bibliothèque-loisirs : des albums, des bandes-dessinées, des livres de contes…
Avec l’organisation et l’application des techniques Freinet (le texte libre, le journal, la correspondance, le Conseil des élèves) nous disposons des fondements d’une pédagogie de la coopération. Cette coopération d’élèves transforme la classe : la pression scolaire ne paralyse plus les enfants. La transmission des savoirs se fait dans le plaisir, la sécurité et l’amitié.
L’idéal c’est de commencer au CP, on perd moins de temps à défaire les élèves de la passivité, de la soumission, de l’intoxication à la notation, des comportements individualistes, acquis les années précédentes.
Ils s’initient très tôt à des activités qui ressemblent aux activités des adultes
- Comités de lecture (quand il faut lire le courrier des classes qui nous écrivent, lire les journaux d’autres classes et écrire du courrier à ces classes-là),
- Président du Conseil (quand un élève se propose pour assurer l’ordre pendant le Conseil, afin que chacun parle),
- Secrétaire du Conseil (quand un élève apprend la prise de notes bien avant d’avoir à le faire au lycée),
- Chercheurs dans tous les domaines avec l’obligation de faire appel à des méthodes de travail (les élèves peuvent confronter leurs démarches entre eux et il y a discussions sur leur efficacité),
- Communicants (quand on s’exerce à la prise de parole devant son groupe, quand avec les moments prévus dans l’emploi du temps, les élèves partagent les informations, les découvertes, les créations..),
- Inventeurs (quand on a la liberté de créer seul ou avec d’autres en toute sécurité)…
Quand on regarde une classe Freinet, on voit que chacun sait ce qu’il a à faire, les élèves s’aident de leur emploi du temps (plan de travail) et décident librement de la façon dont ils vont travailler : avec un ami, seul, dans un petit groupe (maximum trois, à condition de définir qui fait quoi), avec le maître… Les regroupements collectifs ne durent pas plus de quinze minutes, ce sont des réajustements, des lectures destinées à la classe envoyées par les correspondants, des communications au sujet d’une recherche en cours…
Entrons dans la classe : la porte est ouverte et comme dans une ruche, bourdonnent, et s’activent les enfants.
La classe de CP reste une classe sur laquelle la communauté éducative, et peut-être encore plus les parents que les enseignants, exerce une véritable pression.
Afin d’éviter ce stress permanent face à l’ultimatum, je garde le même groupe-classe deux années de suite, CP puis CE1. Ainsi, les enfants ont réellement et concrètement deux ans pour apprendre à lire, écrire et compter, chacun à son rythme.
Dès le seuil, on est surpris par le foisonnement des écrits qui couvrent les murs. La classe-Freinet est une classe « antisèches », on y trouve de l’information. De l’écrit partout, sur des affiches et des pancartes : des textes libres d’élèves, des plannings, des démarches mathématiques, des situations-problèmes, toutes sortes de listes avec des phrases qui se ressemblent, des phénomènes grammaticaux classés, des planisphères, des calendriers faits par les élèves, les lettres des correspondants, les règles de vie qui sont les lois de la classe, la liste des droits et les responsabilités de chacun…
La classe doit être un lieu stimulant, c’est pour cela que l’affichage et les « expositions » sont importantes pour les apprentissages, car un enfant est toujours en train d’apprendre. L’environnement scolaire doit être à la fois riche et complexe.
Les enfants se parlent normalement, ils ont le droit de circuler dans la classe, pour aller aux toilettes ou pour aller boire, l’enfant ne demande pas la permission, mais il est obligé de dire au maître où il va. Ils peuvent se mettre en chaussettes, se reposer dans le coin bibliothèque, se déplacer librement pour consulter les affiches-ressources ou un livre précis ou chercher une boîte de matériel.
C’est un environnement rassurant pour le bien-être de l’élève, condition nécessaire à son travail en classe, mais aussi pour le bien-être de l’enseignant, dans un tout autre rôle que celui que lui impose l’Education nationale. Il a deux objectifs : la classe lieu d’apprentissage coopératif et lieu du lien social. Ses deux principales qualités : la rigueur et l’imagination.
Avec le travail individualisé et la coopération entre les élèves, le travail est librement consenti. La classe-coopérative permet la diversification des groupements d’élèves pour les travaux qu’elle s’est donné : on peut travailler seul, en se guidant avec son plan de travail individuel, ou à deux en s’entraidant, et tous collaborent à des recherches collectives qui rassemblent la classe entière autour d’une communication (petites conférences des « intervenants« , courrier des correspondants à comprendre…) ou pour une « leçon » (pas plus de 15 min) sur la mise au point d’une technique utile à tous.
Une ambiance de travail, chaleureuse et responsable règne dans la classe.
Les enfants ne s’ennuient pas, ne subissent pas, ils construisent leur parcours.
Ici, l’indifférence n’a pas cours car avec les moments de parole quotidiens – l’entretien du matin – la lecture à la classe des textes écrits par les élèves – les bilans faits à voix haute en fin de journée – et les Conseils hebdomadaires, l’entraide est organisée et la solidarité devient une valeur importante et nécessaire pour travailler sans humiliations dans la classe.
Cette pédagogie engage les élèves dans des actions réelles parce que ce qu’ils étudient part de leurs questionnements ou bien s’inscrit dans leurs propres expériences ou fait partie des engagements que le groupe a, par exemple : répondre aux correspondants et pour cela, chercher de l’information, la traiter , rédiger…
Dans la classe, je suis décentrée et peu bavarde, car ce sont mes élèves qui prennent le devant de la scène, par contre, je me démultiplie au service des activités de chacun.
J’indique un mot à celui-ci, je coupe du carton pour le club des fabrications de salières, je montre où chercher un renseignement, je corrige un « bug » informatique, je guide la main pour montrer une majuscule, je m’assois avec un petit groupe de quatre enfants qui doivent rédiger un compte-rendu sur la baleine bleue pour le journal, parce ce que ce matin, au « Je présente », un élève a mesuré sa longueur dans le couloir…
Il n’y a pas de classe Freinet idéale, il n’y a que des classes en marche vers la pédagogie Freinet…
Cette pédagogie s’adapte à tous les niveaux de la scolarité.